L’acrobate, c’est Flora, une petite fille qui vit dans un cirque, dont elle n’est jamais sortie. Son seul contact avec le monde extérieur, ce sont les spectateurs qui viennent chaque soir. Un jour, après en avoir rêvé, elle cherche à savoir qui sont ces spectateurs et surtout ce qu’ils font quand ils ne sont pas sous le chapiteau. Elle pose la question à tous les artistes du cirque, et chacun lui fait une réponse qui la laisse sceptique. Elle part alors à la découverte de ces « gens d’ailleurs ». Elle tend une corde au dessus d’un village et observe ses habitants comme s’ils étaient des insectes. Tous lui paraissent se ressembler et il faudra qu’elle s’approche d’une fenêtre pour voir que, comme au cirque, ils peuvent sourire et aimer. De retour au cirque, elle peut dédier le spectacle à tous ceux qu’elle a appris à connaître.
Jack Sendak, comme son frère, était attaché aux grands récits initiatiques pour les petits. Comme le héros de La Fenêtre de Kenny et bien d’autres, la petite acrobate du cirque doit partir et se mettre en danger pour trouver son chemin de vie. Apprendre à connaître les autres, c’est aussi les connaître comme individus et non comme entité anonyme. Ce livre ouvre des horizons bien plus larges qu’un chapiteau de cirque.
En 1957, la revue The Horn book écrit une critique élogieuse de Funambule (sous le titre original Circus girl). À l’époque, c’est autant l’auteur – Jack Sendak -, que l’artiste dont on salue le talent. Bien des années plus tard, c’est Maurice Sendak qui est passé à la postérité. Il a pourtant poursuivi toute sa vie, une relation complice avec son frère, illustrant certains de ses livres et lui dédiant un livre, My Brother’s book, édité seulement en 2013, après sa mort.
Les images de Maurice Sendak pour Funambule sont particulièrement frappantes. Souvent en très grand format sur double page, elles semblent parfois sorties des carnets de croquis de Degas ou des tableaux de Balthus. Le monde du cirque lui a inspiré des groupes d’animaux et d’humains cocasses ou tendres. On y voit l’attelage de son chien et d’un singe, mais aussi des moments suspendus, lorsque Flora semble flotter sur le dos d’un cheval, les yeux fermés. Quelques tons pastels finement choisis soutiennent ces dessins magnifiques.